Par Mila LEMAITRE, Notaire stagiaire et Sylvain DUPUY, Notaire associé
Le cautionnement est le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci[1]. Traditionnellement conçu comme un service d’ami, le cautionnement est aujourd’hui omniprésent dans les relations d’affaires.
Peu coûteuse et facile à mettre en œuvre, cette garantie est régulièrement associée à une sûreté réelle pour échapper à la précarité de cette dernière en cas d’ouverture d’une procédure collective à l’égard du débiteur.
Si la majorité des cautionnements sont aujourd’hui conclus par acte sous seing privé, le cautionnement notarié présente des avantages significatifs.
Quels intérêts à recourir au cautionnement notarié ?
Le devoir de conseil du notaire
Le devoir de conseil auquel est tenu le notaire bénéficie tant à la caution qu’au créancier au profit duquel le cautionnement est constitué.
Protection des intérêts de la caution. – Les explications personnalisées fournies par le notaire garantissent le caractère éclairé du consentement donné par la caution. La jurisprudence estime en effet que le notaire est tenu d’attirer l’attention de la caution sur les conséquences et les risques qu’est susceptible de générer l’engagement qu’elle prend[2].
Protection des intérêts du créancier. – Le notaire procède à certaines vérifications d’usage concernant la caution avant de recevoir l’acte de cautionnement. Ainsi, la Cour de cassation juge que si le notaire n’est pas tenu de s’assurer de la solvabilité d’une caution, il doit néanmoins informer les parties s’il dispose d’éléments révélant une insuffisance des garanties prévues par l’acte qu’il reçoit[3].
Les attributs de l’acte notarié
Les attributs de l’acte notarié limitent le risque de contestation de son engagement par la caution.
Force probante. – L’acte authentique fait pleine foi de la convention qu’il renferme. Les énonciations qu’il contient, dès lors qu’elles sont relatives à des faits que le notaire a accomplis par lui-même ou constatés dans le cadre de sa mission, font ainsi foi jusqu’à inscription de faux[4]. L’acte sous seing privé, puisqu’il n’offre pas la garantie de la présence d’un officier public, ne bénéficie pas de cette force probante particulière. Faute de reconnaissance de l’écriture par celui à qui on l’oppose, elle devra être déclarée sincère par le juge.
En cas de contentieux, il appartiendra ainsi au créancier se prévalant d’un cautionnement sous seing privé de prouver que la personne poursuivie est l’auteur de la signature qu’il lui attribue[5], tandis que la personne entendant contester s’être portée caution aux termes d’un acte authentique devra se soumettre à la procédure d’inscription de faux[6].
L’idée répandue selon laquelle l’utilisation d’un procédé de signature électronique serait de nature à renforcer la force probante d’un acte sous seing privé doit aussi être écartée. En effet, qu’elle soit apposée sur un acte authentique ou sur un acte sous seing privé, le Code civil n’accorde à la signature électronique la même force probante que la signature manuscrite que lorsque celle-ci est qualifiée[7]. Or, l’écrasante majorité des actes électroniques sous seing privé sont revêtus d’une signature simple ou avancée et ont en conséquence une valeur probante plus faible qu’un acte sous seing privé signé manuscritement.
Force exécutoire. – L’acte notarié revêtu de la formule exécutoire constitue un titre exécutoire[8] autorisant le créancier à faire pratiquer des mesures conservatoires ou des saisies sur le patrimoine de son débiteur sans avoir à obtenir un jugement à son encontre, ce qui permet de gagner du temps et de limiter les risques d’insolvabilité et de contestations. Le cautionnement notarié est doté de la force exécutoire, et ce même lorsqu’il ne fait pas l’objet d’un instrumentum distinct de l’acte de prêt notarié qu’il garantit et sur lequel est apposée la formule exécutoire[9].
En cas de refus de la caution d’exécuter son engagement, le créancier bénéficiant d’un cautionnement sous seing privé devra obtenir un jugement de condamnation de la caution, tandis que le créancier muni d’un acte notarié possède un titre exécutoire qui l’en dispense.
La place laissée à la liberté contractuelle dans le cautionnement notarié
Le cautionnement notarié échappe traditionnellement à l’exigence de mention en présence d’une caution personne physique, laissant ainsi une plus grande expression de la liberté contractuelle des parties.
Exigence de mention dans le cautionnement sous seing privé. – L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 a profondément réformé l’exigence de mention apposée par la caution personne physique. Si elle est toujours exigée à titre de validité du cautionnement consenti par une personne physique, elle s’applique désormais que le créancier soit ou non professionnel, sa rédaction n’est plus prédéterminée par la loi et elle ne doit plus impérativement être manuscrite[10].
Dispense de mention dans le cautionnement authentique. – Sous l’empire du droit antérieur à la réforme de 2021, le cautionnement notarié se soustrayait aux exigences de forme du cautionnement[11] en raison de la dispense de mention manuscrite exigée par la loi bénéficiant à tout acte authentique reçu par un notaire[12]. Ce régime dérogatoire du cautionnement notarié n’a pas été remis en cause par l’ordonnance de 2021 qui ne fait nullement référence à la forme sous seing privé ou authentique du cautionnement.
Ainsi, aujourd’hui comme hier, le recours à la forme notariée permet de constituer un cautionnement sans limitation de montant, qu’il porte sur une ou plusieurs dettes déterminées ou sur un ensemble des dettes présentes et à venir. Le cautionnement omnibus, qui couvre l’ensemble des dettes présentes et à venir d’un débiteur envers un créancier sans limitation de montant, a quant à lui regagné l’efficacité qu’il avait perdue, puisque la stipulation de solidarité est à nouveau admise[13].
Sécurité, efficacité et liberté constituent autant d’atouts du cautionnement notarié que la réforme de 2021 a permis de conforter. Le cautionnement authentique devrait donc continuer à se développer.
[1] C. civ. art. 2288
[2] Cass. 1re civ., 7 nov. 2000, n° 96-21.732
[3] Cass. 1re civ., 13 mars 2007, n° 05-21.150
[4] C. civ. art. 1371
[5] CPC art. 287 et Cass. 1re civ., 14 déc. 2004, n° 03-14.613
[6] CPC art. 303 et suiv.
[7] C. civ. art. 1367 et D. n° 2017-1416-1422, 28 sept. 2017
[8] CPC exéc. L. 111-3
[9] Cass. 2e civ., 13 oct. 2016, n°15-25.049
[10] C. civ. art. 2297
[11] Cass. 1re civ., avis n°9002 , 8 avr. 2010, solution confirmée par Cass.com., 6 juillet 2010, n°08-21.760
[12] C. civ. 1369
[13] C. consom., anc. art. L. 331-3, abrogé par l’ordonnance du 15 septembre 2021