Par Jérôme HOUZAI, Notaire associé
La loi de finances pour 2024 a remis en place un mécanisme désormais bien connu, celui de l’abattement sur l’impôt sur la plus-value immobilière, ayant pour vocation d’inciter les propriétaires de terrains constructibles à céder leur bien et d’apporter ainsi une nouvelle réponse aux problématiques engendrées par la crise du logement en France.
Rien de nouveau complétement donc, mais le dispositif est élargi et les conditions d’application modifiées.
I – Rappel du dispositif antérieur :
La loi de finances pour 2021 avait institué un abattement exceptionnel, sous conditions et de manière temporaire, pour la détermination de la plus-value nette imposable, tant à l’impôt sur le revenu qu’aux prélèvements sociaux, résultant de la cession de biens immobiliers bâtis ou de droits s’y rapportant.
Ainsi, les plus-values résultant de la cession d’immeubles bâtis destinés à la démolition en vue de la reconstruction d’un ou plusieurs bâtiments d’habitation collectifs, situés pour tout ou partie de leur surface dans les périmètres des grandes opérations d’urbanisme (GOU) ou d’opérations de revitalisation des territoires (ORT) étaient déterminées après application d’un abattement exceptionnel de 70 % ou de 85 % à la double condition notamment que la cession :
-
- soit précédée d’une promesse unilatérale ou synallagmatique de vente signée et ayant acquis date certaine à compter du 1er janvier 2021 et au plus tard le 31 décembre 2023 ;
- soit réalisée au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle au cours de laquelle la promesse unilatérale ou synallagmatique de vente a acquis date certaine.
Pour l’application de l’abattement, le cessionnaire s’engageait, par une mention portée dans l’acte authentique d’acquisition, à démolir la ou les constructions existantes ainsi qu’à réaliser et à achever, dans un délai de quatre ans à compter de la date d’acquisition, un ou plusieurs bâtiments d’habitation collectifs dont le gabarit est au moins égal à 75 % du gabarit maximal autorisé tel qu’il résulte de l’application des règles du plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu.
Ce taux était porté à 85 % lorsque le cessionnaire s’engageait à réaliser et à achever des logements sociaux ou intermédiaires, tels que définis, respectivement, aux 3° et 5° de l’article L. 831-1 du CCH et à l’article L. 302-16 du CCH, dont la surface habitable représentait au moins 50 % de la surface totale des constructions mentionnées sur le permis de construire du programme immobilier.
II – Le nouvel abattement exceptionnel :
L’article 150 VE du Code général des impôts, tel qu’il résulte de la loi de finances pour 2024, dispose :
« I. – A. – Un abattement est applicable sur les plus-values, déterminées dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VD, résultant de la cession :
« 1° Soit de terrains à bâtir définis au 1° du 2 du I de l’article 257, de biens immobiliers bâtis ou de droits relatifs à ces mêmes biens, situés, pour tout ou partie de leur surface, dans des communes classées par arrêté des ministres chargés du budget et du logement dans des zones géographiques se caractérisant par un déséquilibre important entre l’offre et la demande de logements ;
« 2° Soit de biens immobiliers bâtis ou de droits relatifs à ces mêmes biens situés pour tout ou partie de leur surface dans le périmètre des grandes opérations d’urbanisme [GOU] fixés par l’acte mentionné au second alinéa de l’article L. 312-4 du code de l’urbanisme ou des opérations d’intérêt national [OIN] mentionnées au premier alinéa de l’article L. 102-13 du même code ou dans le périmètre délimité dans les conventions mentionnées au II de l’article L. 303-2 du code de la construction et de l’habitation [ORT] ».
A. Un champ d’application élargi aux zones tendues (A, A bis et B1) et aux OIN :
Auparavant, l’abattement ne concernait que les opérations réalisées dans le périmètre des grandes opérations d’urbanisme (GOU) et dans celui des opérations de revitalisation du territoire (ORT).
Désormais, afin d’encourager la libération du foncier, la loi de finances pour 2024 ouvre le bénéfice de l’abattement, sous certaines conditions, aux ventes de biens immobiliers situés dans les zones tendues du territoire, savoir les zones A, A bis et B1, soit actuellement 2.486 communes concernées (718 en zone A, 77 en zone A bis et 1691 en zone B1). Le dispositif n’est pas applicable aux biens situés en Corse.
La loi de finances élargit également le dispositif aux ventes intervenant dans le périmètre des opérations d’intérêt national (OIN).
Les biens situés dans les GOU et les ORT bénéficient toujours de l’abattement.
B. Les conditions d’application :
Ce dispositif exceptionnel mis en place est temporaire et son bénéfice est conditionnée à un engagement de l’acquéreur du bien immobilier.
1°) Le caractère temporaire du dispositif :
L’abattement est applicable quand les conditions cumulatives suivantes sont remplies, savoir :
La cession doit être :
-
- Précédée d’une promesse unilatérale ou synallagmatique de vente, signée et ayant acquis date certaine à compter du 1er janvier 2024 et au plus tard le 31 décembre 2025;
- Réalisée au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle au cours de laquelle la promesse de vente a acquis date certaine.
Exemple : si la promesse de vente est signée le 15 juin 2024, la signature de l’acte authentique de vente devra intervenir au plus tard le 31 décembre 2026.
2°) L’engagement de l’acquéreur :
Pour permettre au vendeur de bénéficier de l’abattement, l’acquéreur doit s’engager personnellement, par une mention portée dans l’acte authentique d’acquisition :
-
- A la construction, le cas échéant à la démolition des constructions existantes suivie d’une reconstruction ou à la réhabilitation complète de ces dernières concourant à la production d’un immeuble neuf au sens du 2° du 2 du I de l’article 257 du CGI,
- Et à l’achèvement dans un délai de quatre ans à compter de la date d’acquisition,
- D’un ou plusieurs bâtiments d’habitation collectifs,
- Dont le gabarit est au moins égal à 75% du gabarit maximal autorisé tel qu’il résulte de l’application du plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu.
C. Le taux de l’abattement :
L’abattement exceptionnel est calculé sur l’assiette nette imposable des plus-values immobilières, déterminées dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150VD c’est-à-dire après prise en compte, notamment :
-
- de l’abattement général pour durée de détention ;
- de la compensation, le cas échéant, des plus et moins-values, prévue au II de l’article 150 VD du CGI.
Etant ici précisé que l’abattement s’applique également, dans les mêmes conditions pour la détermination de l’assiette de la taxe sur les plus-values immobilières élevées prévue à l’article 1609 nonies G du CGI et, toutes autres conditions étant réunies, pour l’application du prélèvement mentionné à l’article 244 bis A du CGI (plus-values réalisées par des contribuables non fiscalement domiciliés en France).
Le taux de l’abattement est différent selon la situation du bien vendu, et peut, dans certaines hypothèses, être majoré.
1°) Taux normal :
Le taux de l’abattement est de :
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- 60% pour les cessions de biens dans les zones tendues (zones A, A bis et B1) ;
- 75% pour les cessions de biens situés dans le périmètre des GOU, ORT et OIN.
2°) Majoration du taux :
Ces taux sont portés à 85% lorsque l’acquéreur s’engage à ce que la surface habitable des logements ainsi réalisés soit affectée, dès leur achèvement, pour au moins 50% de la surface totale des constructions du programme immobilier :
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- A du logement social, défini aux 3°, 5° et 6° de l’article L 831-1 du Code de la construction et de l’habitation,
- A du logement faisant l’objet d’un bail réel solidaire défini à l’article L 255-1 du Code de la construction et de l’habitation,
- Ou à du logement intermédiaire défini à l’article L 302-6 du Code de la construction et de l’habitation.
Deux précisions prévues par le III de l’article 150 VE du CGI :
-
- Dans les communes où le quota de logements locatifs sociaux instauré par l’article 55 de la loi SRU n’est pas respecté (20% ou 25% selon les cas), la réalisation de logements intermédiaires n’ouvrira droit à une bonification des taux que si le cessionnaire s’engage à affecter un minimum de 25 % de surfaces habitables des logements construits à du logement social.
- La majoration de taux à 85 % ne s’applique pas à la création de logements sociaux dans les quartiers faisant l’objet d’une convention dans le cadre du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) : seule la production de logements intermédiaires y étant encouragée
D. Sanction en cas de non-respect de l’engagement de l’acquéreur :
Comme dans le précédent dispositif, le non-respect de l’engagement de réalisation et d’achèvement d’un ou plusieurs bâtiments d’habitation collectifs dont le gabarit est au moins égal à 75 % du gabarit maximal autorisé tel qu’il résulte de l’application des règles du plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme y tenant lieu dans le délai de quatre ans et, le cas échéant, de l’engagement de démolition des constructions existantes pour les acquisitions d’immeubles bâtis, entraîne, en principe, l’application au cessionnaire d’une amende d’un montant égal à 10 % du prix de cession mentionné dans l’acte.
Cette amende est également applicable, dans les mêmes conditions, en cas de non-respect de l’engagement de réaliser et d’achever des logements sociaux et/ou intermédiaires représentant au moins 50 % de la surface totale des constructions mentionnées sur le permis de construire.
Dans tous les cas, l’amende est due par le cessionnaire.
En cas de non-respect des engagements pris par le cessionnaire et rappelés ci-avant, l’exonération reste, en tout état de cause, acquise au cédant.
En attendant des précisions de l’administration fiscale, par l’intermédiaire du Bulletin Officiel des Finances Publiques (BOFIP), il est fort à parier que celle-ci prévoira la même tolérance que précédemment, c’est-à-dire que sera sans doute admis que l’amende ne soit pas appliquée lorsque le cessionnaire ou la société qui l’a absorbé peut justifier de circonstances exceptionnelles indépendantes de sa volonté, comme notamment des cas de force majeure ou de catastrophe naturelle, qui empêchent la réalisation ou l’achèvement du logement.