Par Bénédicte SERRE, Notaire et Laura BOUIGE, Diplômée Notaire
Je vends mon bien immobilier, vais-je payer un impôt pour le gain réalisé entre l’achat et la revente du bien ? C’est la grande préoccupation des vendeurs dans le cadre de la taxe sur la plus-value immobilière, à juste titre.
La multiplicité des règles et des dispositifs fait du régime fiscal des plus-values immobilières des particuliers une matière d’une grande technicité. Toutefois, de nombreux cas d’exonérations sont prévus par la loi, dont certains nécessitent un approfondissement compte tenu des différents cas de figure pouvant se présenter.
A) Résidence principale
La plus-value réalisée lors de la cession de sa résidence principale est systématiquement exonérée d’impôt. L’administration fiscale exige toutefois le respect de certains critères pour sa mise en œuvre, dans la mesure où l’exonération varie selon le contexte rencontré.
(i) Le cédant habite le logement lors de la vente
D’un point de vue fiscal, le logement est la résidence habituelle et effective. Autrement dit, il s’agit du lieu où le contribuable réside habituellement pendant la majeure partie de l’année. Il s’agit d’une question de fait, il appartient à l’administration d’apprécier sous le contrôle du juge de l’impôt.
(ii) Le cédant a quitté le logement peu avant la vente
La cession intervient dans un délai normal
Lorsque l’immeuble a été occupé par le cédant jusqu’à sa mise en vente, l’exonération reste acquise si la cession intervient dans des “délais normaux” et sous réserve que le logement n’ait pas, pendant cette période, été donné en location ou occupé gratuitement par des membres de la famille du propriétaire ou des tiers.
Aucun délai maximum pour la réalisation de la cession ne peut être fixé a priori. Il convient donc sur ce point de faire une appréciation circonstanciée de chaque situation, y compris au vu des raisons conjoncturelles qui peuvent retarder la vente, pour déterminer si le délai de vente peut ou non être considéré comme normal.
Dans un contexte économique classique, un délai d’une année constitue en principe le délai maximal. Cependant, l’appréciation de ce délai normal de vente est une question de fait qui est évaluée au regard de l’ensemble des circonstances de l’opération.
La condition tenant à l’occupation du logement à titre d’habitation principale jusqu’à sa mise en vente n’est pas toujours satisfaite en cas de séparation ou de divorce, notamment lorsque l’un des conjoints a été contraint de quitter le logement qui constituait alors sa résidence principale.
Dans cette hypothèse, lorsque l’immeuble cédé ne constitue plus à la date de la cession, la résidence principale du contribuable, il est admis que celui-ci puisse bénéficier de l’exonération sous deux conditions :
-
- le logement a constitué la résidence principale des époux jusqu’à leur séparation ;
- le logement a été occupé par l’un des époux jusqu’à la vente (ou la mise en vente).
Le bénéfice de l’exonération n’est subordonné à aucun délai particulier entre la date de séparation et la date de mise en vente.
Le départ des personnes âgées en hébergement spécialisé
Face à l’augmentation de l’espérance de vie, il est possible d’être confronté au départ de nos ascendants dans des structures d’hébergement (Ehpa, Ehpad, logement-foyer, petite unité de vie ou unité pour personnes désorientées) destinées à accueillir des personnes âgées. Le bénéfice de l’exonération est alors subordonné à plusieurs conditions cumulatives :
-
- le contribuable ne doit pas être passible de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) au titre de l’avant-dernière année précédant celle de la cession ;
- le revenu fiscal de référence des personnes concernées ne doit pas excéder un certain montant. Pour une cession en 2023, votre revenu fiscal de référence ne doit pas dépasser 27 891 € pour la première part de quotient familial (+ 6 516 € pour la première demi-part supplémentaire et 5 130 € pour les demi-parts suivantes) en 2021 ;
- la cession doit intervenir dans un délai inférieur à deux ans suivant l’entrée dans un établissement.
Le déménagement hors de France
Compte tenu de l’expansion de l’expatriation, une exonération supplémentaire a été créée pour les cessions réalisées à compter du 1er janvier 2019 : l’exonération en cas de transfert de la résidence principale hors de France.
Elle est effective dans le respect des conditions cumulatives suivantes :
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- le domicile du contribuable doit être transféré dans un État membre de l’Union européenne ou dans un État ou territoire qui a conclu avec la France une convention en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale et en matière de recouvrement ; Pour savoir si vous êtes dans ce cas, vous pouvez consulter le site suivant : https://www.impots.gouv.fr/les-conventions-internationales ;
- la cession doit être réalisée au plus tard le 31 décembre de l’année suivant celle du transfert par le cédant de son domicile fiscal hors de France ;
- l’immeuble ne doit pas être mis à la disposition de tiers, à titre gratuit ou à titre onéreux entre le transfert du domicile et la cession ;
- le cédant ne doit pas avoir déjà bénéficié de l’abattement de 150.000 € prévu sur la plus-value imposable lors de la cession d’un bien par un cédant non résident français.
(iii) L’extension de l’exonération aux dépendances du logement principal
L’exonération s’applique également aux dépendances immédiates et nécessaires cédées simultanément avec l’ immeuble constituant le logement principal.
Cette notion de dépendance immédiate et nécessaire est également applicable :
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- pour les garages situés à une distance inférieure à 1 km de la résidence principale ;
- et pour les chambres de service situées dans le même immeuble que la résidence principale.
Lorsque l’acquéreur du garage ou de la chambre est différent de celui du logement d’habitation, la condition de cession simultanée est satisfaite si les ventes interviennent dans un délai normal.
B) Première cession d’un logement autre que la résidence principale
La plus-value réalisée lors de la première cession d’un logement autre que la résidence principale est exonérée sous réserve du respect des conditions cumulatives suivantes :
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- que le cédant n’ait pas été propriétaire de sa résidence principale, directement ou par personne interposée, au cours des 4 années précédant la cession ;
- que le cédant remploie le prix de cession, dans un délai de 24 mois à compter de la vente, pour l’acquisition ou la construction d’un logement affecté, dès son achèvement ou son acquisition si elle est postérieure, à son habitation principale. En cas de construction de la résidence principale sur un terrain, le cédant devra simplement justifier, dans les 2 ans de la cession : de l’acquisition du terrain, du dépôt d’une demande de permis de construire et de l’engagement de l’opération de construction.
En cas de remploi partiel, l’exonération de plus-value est proportionnée à la fraction du prix de cession qui est effectivement remployée.
C) Cessions inférieures ou égales à 15.000 €
Lorsque le prix de cession est inférieur ou égal à 15 000 €, le bien est totalement exonéré de la taxe sur la plus-value immobilière. Ce seuil de 15 000 € s’apprécie en tenant compte de la valeur en pleine propriété de l’immeuble ou de la partie d’immeuble concerné.
Des précisions sont toutefois à apporter lorsque le bien est détenu à plusieurs.
(i) détention en pleine propriété
Si le bien immobilier cédé est détenu en indivision, le seuil de 15 000 € s’apprécie au regard de chaque quote-part indivise, quelle que soit la valeur totale du bien cédé. Il en est de même pour les couples mariés sous le régime communautaire, non soumis au régime de l’indivision.
Exemple : un immeuble est détenu en indivision, en pleine propriété, par deux personnes physiques.
A détient 20 % de l’indivision et B les 80 % restant. L’immeuble est cédé pour un prix total de 70 000 €.
Le montant de la cession s’élève donc :
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- pour A, à 14 000 € (70 000 € x 20 %) ;
- pour B, à 56 000 € (70 000 € x 80 %).
A est exonéré d’impôt sur la plus-value (et de prélèvements sociaux) dès lors que le prix de cession (14 000 €) correspondant à sa quote-part indivise est inférieur au seuil d’imposition de 15 000 €.
En revanche, B est imposable puisque le prix de cession (56 000 €) correspondant à sa quote-part indivise est supérieur au même seuil.
(ii) détention en démembrement
En cas de cession isolée ou conjointe de l’usufruit ou de la nue-propriété d’un bien, le seuil de 15 000 € s’apprécie en tenant compte de la valeur en pleine propriété de l’immeuble cédé.
Pour la cession d’un droit démembré détenu en indivision, le seuil s’apprécie au regard de chaque quote-part indivise en pleine propriété.
Exemple : un immeuble dont la propriété est démembrée entre deux personnes physiques (A pour la nue-propriété et B pour l’usufruit) est cédé pour un montant de 30 000 €.
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- Ni A ni B ne peuvent bénéficier de l’exonération de l’impôt sur la plus-value (et de prélèvements sociaux) du chef du montant de la cession, dans la mesure où le montant total de la cession (30 000 €) est supérieur à 15 000 €, et cela quand bien même la part du prix de cession correspondant à la valeur de leur droit respectif serait inférieure à ce seuil.
D) L’exonération au titre de la cession d’un logement situé en France par un non-résident
Attention, cette exonération n’est pas à confondre avec celle mentionnée ci-dessus concernant le cédant expatrié qui habitait le logement au titre de résidence principale jusqu’à son départ.
Il existe une exonération pour les plus-values réalisées au titre de la cession d’un logement situé en France par des personnes physiques, non résidentes de France, ressortissantes d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale.
Cette exonération s’applique dans la limite d’une résidence par contribuable et de 150 000 € de plus-value nette imposable et à la double condition que :
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- le cédant ait été fiscalement domicilié en France de manière continue pendant au moins 2 ans à un moment quelconque antérieurement à la cession ;
- la cession intervienne au plus tard le 31 décembre de la cinquième année suivant celle du transfert par le cédant de son domicile fiscal hors de France ou, sans condition de délai, lorsque le cédant a la libre disposition du bien au moins depuis le 1er janvier de l’année précédant celle de la cession.
Ces dispositions s’appliquent aux plus-values réalisées au titre des cessions intervenues depuis le 1er janvier 2014.
D’autres cas d’exonération sont prévus par la loi, non développés dans cet article, et mentionnés dans le tableau récapitulatif ci-dessous :