10.10.2024

La modification des clauses règlementaires des lotissements

Par Isabelle PIOT-CHAUDON, Notaire

En qualité de Notaires, nous sommes régulièrement sollicités par nos clients qui nous interrogent sur la compatibilité de leur projets immobiliers au regard des règles du lotissement dans lequel ils projettent d’acquérir un ou plusieurs lots en vue de construire.

La modification d’un lotissement peut s’avérer nécessaire pour le rendre compatible au projet envisagé par nos clients.

Ce sujet étant très vaste, nous nous intéresserons à la modification des clauses réglementaires des lotissements, dont les modalités diffèrent selon le type de modification envisagée.

Les clauses de nature règlementaire sont des stipulations complétant les règles du document d’urbanisme ou relevant des dispositions d’urbanisme au sens de l’article L.421-6 relatives à « l’utilisation des sols, l’implantation, la destination, la nature, l’architecture, les dimensions, l’assainissement des constructions et à l’aménagement de leurs abords » mais également à l’emprise au sol, aux prospects, à la hauteur, au stationnement, etc… (cf. Rep. Min. N° 56400, JOAN, 13 sept. 2014)

I – La subdivision d’un lot

La procédure de subdivision d’un lot de lotissement est prévue à l’article R. 442-21 du Code de l’urbanisme qui dispose que :

« Les subdivisions de lots provenant d’un lotissement soumis à permis d’aménager sont assimilées aux modifications de lotissements prévues aux articles L. 442-10 et L. 442-11 sauf :

  1. Lorsqu’elles consistent à détacher une partie d’un lot pour la rattacher à un lot contigu ;
  2. Lorsque ces subdivisions interviennent dans la limite du nombre maximum de lots autorisés, et résultent d’une déclaration préalable, d’un permis d’aménager, d’un permis valant division ou d’une division réalisée en application du a de l’article R. 442-1 dès lors que le lotisseur atteste de son accord sur cette opération par la délivrance d’une attestation. »

Ainsi, les lots de lotissement soumis à déclaration préalable sont librement divisibles, car ils sont dépourvus de toute portée réglementaire : ils ne peuvent par exemple pas être dotés d’un règlement, ni d’un mécanisme de répartition de la surface de plancher.

Le détachement par un coloti, d’une partie de son lot n’est pas constitutive d’un lotissement ; il n’est pas constitutif d’une division primaire, ni soumis à un permis de construire valant division. Ce détachement ne saurait être considéré comme une subdivision au sens de l’ article R. 442-21 du Code de l’urbanisme, que le nombre maximum de lots soit atteint ou non. Tel est le cas par exemple du détachement d’un terrain pour permettre la création de places de stationnement ou de jardins.

En revanche, si la division du lot consiste en une division en jouissance en vue de construire, la procédure de subdivision doit alors être respectée. Cette procédure varie selon qu’elle intervient dans la limite ou non du nombre maximal de lots autorisés par le permis d’aménager.

a) Subdivision d’un lot intervenant dans la limite du nombre maximal de lots

Si la création d’un nouveau lot résultant de la subdivision n’a pas pour effet de porter le nombre total de lots au-delà du maximum autorisé, et qu’elle résulte d’une déclaration préalable, d’un permis d’aménager, d’un permis valant division ou d’une division primaire, l’opération ne relèvera pas des procédures prévues aux articles L. 442-10 (*) et L. 442-11 (**) du Code de l’urbanisme .

Le lotisseur pourra alors librement accepter ou non cette subdivision opérée par l’un de ses acquéreurs. Cela lui permet de conserver la maîtrise de l’opération dans le temps et surtout de ne pas se trouver dans la situation où il ne peut plus détacher lui-même de nouveaux terrains du fait de subdivisions opérées par les premiers acquéreurs.

Modalités pratiques :

L’accord du lotisseur sera matérialisée par la délivrance d’une attestation.

Le pétitionnaire devra alors joindre à sa demande, l’attestation de l’accord du lotisseur mentionnée au b) de l’article R. 442-21 du Code de l’urbanisme :

  • pièce PC29-1 pour le permis de construire si la division doit s’effectuer dans le cadre d’une division primaire ou d’un PCVD, en application du b) de l’ article R. 431-22-1 du Code de l’urbanisme ;
  • pièce PA12-2 pour le permis d’aménager également visée en tant que pièce PA41-1;
  • pièce DP10-1 pour la déclaration préalable.

Par analogie avec la durée de validité des documents du lotissement, il est communément admis en pratique que l’attestation du lotisseur n’a plus à lui être demandée, 10 ans après la délivrance de l’autorisation de lotir. Pourtant, ce délai de 10 ans ne figure pas dans les textes et ne résulte d’aucune jurisprudence. La prudence recommanderait de recueillir l’accord du lotisseur au-delà de ce délai de 10 ans, dès lors que celui-ci détient toujours au moins un terrain constructible au sein du périmètre de lotissement.

La subdivision projetée, effectuée dans le délai de 10 ans, devra être conforme au plan de division joint au permis d’aménager initial. Si tel n’était pas le cas, la subdivision devra  faire l’objet d’une procédure de modification au titre de l’article L. 442-10 du Code de l’urbanisme.

Si  l’autorisation de lotir a été délivrée depuis plus de 10 ans, alors le plan de division qui lui est joint le cas échéant est caduc, en application de l’article L. 442-9 du Code de l’urbanisme et n’aura donc pas à faire l’objet d’une modification, à moins que celui-ci ait été contractualisé.

b) Subdivision d’un lot intervenant au-delà de la limite du nombre maximum de lots

Interdiction de subdiviser figurant dans document de nature réglementaire

L’interdiction de subdiviser figurant dans un document de nature réglementaire peut être explicite lorsqu’elle est expressément édictée dans un règlement de lotissement, ou implicite, lorsqu’elle résulte par exemple d’un plan de division qui aurait été joint au dossier d’autorisation de lotir et auquel les colotis restent tenus de se conformer.

La subdivision est implicitement interdite lorsque le nombre maximal de lots est atteint. Elle doit alors être autorisée selon l’une des deux procédures visées aux articles L. 442-10 et L. 442-11 du Code de l’urbanisme.

Se pose alors la question de savoir si une interdiction de subdiviser pourrait être qualifiée de disposition réglementaire, susceptible d’être frappée de caducité en application de l’ article L. 442-9 du Code de l’urbanisme.

La doctrine administrative avait considéré, en s’appuyant sur la jurisprudence Hoffmann, qu’une interdiction de subdiviser ne constituait pas une règle d’urbanisme. Toutefois, le Conseil d’État a, dans un avis du 10 juillet 2019, estimé que l’interdiction implicite de toute subdivision figurant dans un cahier des charges, dès lors que le nombre de lots maximal est atteint, constituait une règle d’urbanisme ( CE, avis, 24 juill. 2019, n° 430362 : JurisData n° 2019-013181).

Cette interdiction de subdiviser serait par conséquent frappée de caducité au terme d’un délai de 10 ans à compter de la délivrance de l’autorisation de lotir. Dans ces conditions, il n’y aurait pas à faire application des dispositions de l’article R. 442-21 du Code de l’urbanisme, si la subdivision projetée intervient au-delà de ce délai de 10 ans.

Modalités pratiques :

Ainsi, si le nombre maximal de lots est atteint et que le permis d’aménager a été délivré depuis moins de 10 ans, l’autorité compétente devra contrôler, dans un document réglementaire, l’effectivité de la modification prévue à l’article L. 442-10 du Code de l’urbanisme et, sous toutes réserves, à l’article L. 442-11 dudit code.

A noter qu’aucune disposition du Code de l’urbanisme ne prévoit de joindre à la demande du pétitionnaire une pièce à ce titre. Aucun formulaire de demande ne fait référence à cette situation.

Le pétitionnaire devra alors préciser que le projet se situe dans un lotissement. En application de l’article R. 442-19 du Code de l’urbanisme, le service instructeur, compétent pour prononcer la modification des documents réglementaires du lotissement, doit vérifier si la subdivision peut être valablement effectuée.

Ainsi a-t-il été jugé que dès lors que la demande de permis d’aménager n’a pas été précédée d’une modification des règles du lotissement selon les modalités prévues par l’article L. 442-10 du Code de l’urbanisme , l’autorité compétente est tenue de refuser la demande de permis d’aménager présentée par le lotisseur (CAA Nantes, 17 janv. 2014, n° 12NT01229 : Constr.-Urb. 2014, comm. 14 , obs. P. Cornille).

Document du lotissement ayant une valeur contractuelle

La jurisprudence de la Cour de cassation a au contraire laissé entendre qu’une interdiction de subdiviser n’était pas une règle d’urbanisme pour juger que sa suppression devait être prise par une décision des colotis à l’unanimité ( Cass. 3e civ., 16 déc. 2008, n° 07-14.307 ).

Si la subdivision est seulement interdite par un document de nature contractuelle initialement approuvé, la question de l’étendue du contrôle de l’autorité compétente est plus discutable puisque d’une part cette dernière n’a normalement à instruire des demandes qu’au regard de documents réglementaires non frappés de caducité.

II – La réunion de plusieurs lots

La réunion des lots situés dans le périmètre d’un lotissement échappe aux procédures prévues aux articles L. 442-10 et L. 442-11 du code de l’Urbanisme. Elle est en principe libre et peut être opérée selon les règles du droit civil dans le respect des documents du lotissement (Rép. min. n° 1485 : JO Sénat 9 juin 1982, p. 2624 – B. Stemmer, Réflexions sur les réunions de lots dans les lotissements : JCP N 1984, prat. 9211).

III – le changement d’affectation de parties communes

L’affectation des parties communes d’un lotissement, dès lors qu’il ne s’agit pas simplement d’une voirie nécessaire à l’accès des lots, ne se présume pas mais doit être prévue dans un document du lotissement.

La loi Alur avait inséré à l’article L. 442-10 du code de l’Urbanisme, un 2° alinéa d’après lequel les règles de modification des documents approuvés du lotissement ou bien des dispositions de nature réglementaire des documents non approuvés ne concernaient pas l’affectation des parties communes du lotissement ; Le changement d’affectation des parties communes du lotissement nécessitait ainsi l’accord de la totalité des colotis.

La loi Elan n°2018-1021 du 23 novembre 2018 a supprimé ce 2° alinéa de cet article L 442-10, dans le but de rendre à nouveau possible la reconversion des espaces communs du lotissement affectés par exemple à des espaces verts.

Il n’est toutefois pas certain que la suppression de cet alinéa suffise à ce que la modification de l’affectation d’un espace commun du lotissement relève de la procédure prévue au premier alinéa de l’article L. 442-10.

Ainsi, si une partie commune est affectée à une fonction précise dans un document du lotissement, se posera alors la question de savoir s’il s’agit d’une règle d’urbanisme au sens de l’article L. 442-9 du Code de l’urbanisme.

Si l’affectation de la partie commune en question peut être analysée comme une disposition réglementaire :

  • la modification de cette affectation dans le délai de 10 ans relève de la procédure prévue au premier alinéa de l’article L. 442-10 du Code de l’urbanisme.
  • il faudra alors considérer que cette affectation est caduque au terme de 10 années à compter de la délivrance de l’autorisation de lotir.

Au contraire, si l’affectation de la partie commune en question peut être analysée comme une disposition contractuelle, ou bien à défaut comme un mode de gestion des parties communes, alors sa modification résultera d’une décision unanime des colotis.

Si une partie commune est affectée de fait en aire de stationnement, en aire de jeux ou en espace vert, mais qu’une telle affectation n’est prévue dans aucun document du lotissement, le terrain en cause pourra être aliéné librement par exemple en tant que lots de terrains à bâtir, sous réserve de l’obtention des autorisations d’urbanisme nécessaires.

IV – La modification de répartition de la surface de plancher (SDP)

En application de l’article R 442-10 al 1 du code de l’Urbanisme, la SDP est répartie entre les lots, soit par le permis d’aménager, soit par le lotisseur à l’occasion de la vente (ou de la location) des lots.

a) la modification de la répartition de la SDP opérée par le permis d’aménager

Si la surface de plancher est répartie par le permis d’aménager, un tableau et un plan de division doivent être joints à la demande. En application de l’article L. 442-9 du Code de l’urbanisme, le tableau de répartition et le plan de division, ayant un caractère réglementaire, ils deviennent caducs après un délai de 10 ans à compter de la délivrance de l’autorisation de lotir, si le lotissement est couvert par un PLU ou un document d’urbanisme en tenant lieu.

Il semble toutefois qu’un arrêt du Conseil d’Etat rejette implicitement l’idée que la répartition de la surface de plancher opérée par l’autorisation de lotir puisse être assimilée à une règle d’urbanisme contenue dans un document du lotissement, mais considère que de nouvelles règles d’urbanisme intervenues postérieurement ont pour effet de neutraliser cette répartition. ( CE, 28 sept. 2016, n° 381115, SCI Valérie : JurisData n° 2016-020467).

En revanche, si aucune nouvelle règle d’urbanisme n’intervient depuis la délivrance du permis d’aménager, la répartition de la surface de plancher prévue par le permis d’aménager ne devient pas caduque 10 ans après la délivrance du permis d’aménager.

Sa modification, dès lors qu’elle n’est pas frappée par la péremption décennale, est régie par des règles différentes selon qu’au moins un lot a été vendu ou non.

Lorsqu’aucun lot n’a été cédé,

Le lotisseur est encore propriétaire des lots. Dès lors, la procédure de l’article L 442-10 du code de l’urbanisme ne peut pas se concevoir, puisqu’elle suppose l’accord « de la moitié des propriétaires détenant ensemble les deux tiers au moins de la superficie d’un lotissement ou les deux tiers des propriétaires détenant au moins la moitié de cette superficie. »

Lorsque l’augmentation de la SDP autorisée ainsi que la modification de sa répartition au sein des lots est envisagée (par exemple en raison d’un bornage rectifiant les superficies), elle ne peut intervenir autrement que par un permis d’aménager modificatif, que la DAACT ait ou non été déposée.

En effet, le permis d’aménager a une double nature : Il s’agit à la fois d’une autorisation de réaliser des travaux (d’équipements communs et de viabilisation notamment), mais aussi d’une autorisation de vendre les terrains à bâtir identifiés par celui-ci.

Cette double nature semble notamment avoir pour conséquence que l’autorisation de vendre perdure une fois la DAACT reçue en mairie.

En effet, la DAACT acte la fin de la réalisation des travaux d’aménagement et de viabilisation du lotissement. Elle a notamment pour conséquence de permettre la vente des terrains, lorsqu’aucune autorisation de vendre par anticipation n’a été obtenue. Cette autorisation de vendre est en conséquence toujours en vigueur demeure après la réception de cette DAACT.

Il résulte de cette interprétation que la modification d’un permis d’aménager à ce titre est toujours possible, même après l’envoi de la DAACT.

Lorsque tous les lots ou certains d’entre eux seulement ont été cédés,

La modification de la répartition de la SDP entre les lots doit intervenir dans les conditions prévues à l’article L 442-10 du code de l’Urbanisme – peu importe que la DAACT ait ou non été déposée ni l’attestation de non contestation de la DAACT obtenue, ainsi que nous venons de le développer plus haut.

b) la modification de la répartition de la SDP opérée par le lotisseur

Lorsque le lotisseur opte pour une répartition de la surface de plancher à l’occasion de la vente ou de la location des lots, il fournit alors à l’acquéreur, un certificat indiquant la surface de plancher constructible sur le lot, conformément aux dispositions de l’article R. 442-11 du Code de l’urbanisme.

Ce certificat constitue à la fois un contrat passé entre le lotisseur et l’acquéreur, mais également une pièce opposable à l’autorité compétente pour délivrer des permis de construire.

La modification de la répartition de la SDP est régie par des règles différentes selon qu’au moins un lot a été vendu.

Lorsque aucun lot n’a encore été vendu

Le lotisseur étant encore propriétaire des lots, la modification de la répartition de la SDP peut être faite à la seule discrétion du lotisseur, dans le cadre de l’enveloppe globale de la SDP autorisée.

Lorsqu’au moins un lot a été vendu

La modification de la répartition de la SDP entre lots non encore vendus, peut être faite à la seule discrétion du lotisseur, dans le cadre de l’enveloppe globale de la SDP autorisée.

La modification de la répartition de la SDP entre lots répond aux procédures prévues aux articles L. 442-10 du code de l’Urbanisme.


(*) article L442-10 du code de l’urbanisme
« Lorsque la moitié des propriétaires détenant ensemble les deux tiers au moins de la superficie d’un lotissement ou les deux tiers des propriétaires détenant au moins la moitié de cette superficie le demandent ou l’acceptent, l’autorité compétente peut prononcer la modification de tout ou partie des documents du lotissement, notamment le règlement, le cahier des charges s’il a été approuvé ou les clauses de nature réglementaire du cahier des charges s’il n’a pas été approuvé. Cette modification doit être compatible avec la réglementation d’urbanisme applicable.
Jusqu’à l’expiration d’un délai de cinq ans à compter de l’achèvement du lotissement, la modification mentionnée au premier alinéa ne peut être prononcée qu’en l’absence d’opposition du lotisseur si celui-ci possède au moins un lot constructible ».
(**) article L442-11 du code de l’urbanisme :
« Lorsque l’approbation d’un plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu intervient postérieurement au permis d’aménager un lotissement ou à la décision de non-opposition à une déclaration préalable, l’autorité compétente peut, après enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement et délibération du conseil municipal, modifier tout ou partie des documents du lotissement, et notamment le règlement et le cahier des charges, qu’il soit approuvé ou non approuvé, pour mettre en concordance ces documents avec le plan local d’urbanisme ou le document d’urbanisme en tenant lieu, au regard notamment de la densité maximale de construction résultant de l’application de l’ensemble des règles du document d’urbanisme. »
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