Par Agnès BENNI, Gestionnaire de patrimoine
Le sujet de la protection du patrimoine d’un enfant mineur issu d’un premier mariage, dont le parent décède, est souvent source de conflit en présence de la seconde épouse. Afin d’éviter les situations de conflit, il s’avère nécessaire d’être conseillé pour prévoir les dispositions nécessaires.
Prenons pour exemple un cas pratique :
Monsieur et Madame mariés sous le régime de séparation de biens.
Monsieur a un enfant mineur issu d’un premier mariage.
Le patrimoine de Monsieur se compose d’un actif professionnel, d’une résidence principale, et de liquidités dont des contrats d’assurance vie.
Si Monsieur décède, Madame, sans enfant, a vocation au quart en PP des biens du défunt sans faculté d’opter pour la totalité en usufruit (C.civ art 757)
Mme aurait par ailleurs la jouissance temporaire de la résidence principale et des meubles pendant un an (C.civ art 763). Elle aurait aussi pendant ce délai la faculté d’opter pour la jouissance viagère de la résidence principale impliquant qu’elle l’habite personnellement (C.civ.art.764)
Premier objectif de Monsieur = protéger Mme sur la résidence principale
Cette situation permet de constater que Mme et le fils de Monsieur seraient en situation d’indivision sur un quart de la PP des biens de la succession. Outre qu’elle nécessite une bonne entente, : décision prise à l’unanimité pour tout acte d’administration et de disposition, l’indivision est une situation de nature précaire .Nul n’est censé rester dans l’indivision ;
En cas de décès de Mme, la part non consommée de la succession échapperait définitivement au fils de Monsieur.
D’où la nécessité d’être conseillé en amont afin d’éviter une telle situation.
Second objectif de Monsieur = exclure son ex épouse dans la gestion du patrimoine de son fils mineur
Le fils mineur, n’ayant pas de pouvoir de gestion sur les biens qu’il possède, c’est sa mère, représentant légal, qui exercerait la fonction d’administrateur légal. Elle pourrait décider non seulement des actes de gestion, mais également des actes de disposition sous réserve d’une liste de huit actes limitativement énumérés (C.civ art 387-1) requérant l’autorisation du juge des tutelles.
Par ailleurs le parent survivant aurait un droit de jouissance sur le patrimoine de son fils, lui autorisant à en percevoir les fruits, ici les revenus tirés des immeubles et du portefeuille de valeurs mobilières. Ceci afin de compenser les dépenses liées à l’éducation et son entretien. La part des revenus excédant ces dépenses seraient acquises à l’ex conjoint (C.civ.art.386-1 à 386-4)
Nos préconisations seraient les suivantes :
Afin de réponde à l’objectif 1 de Monsieur :
Le leg de l’usufruit à Mme par testament
Cependant, cela générerait une situation qui nécessiterait une entente dans la mesure où Mme devra obtenir l’accord de l’enfant pour effectuer certains travaux notamment.
Le leg graduel de la résidence principale en pleine propriété permettrait à Madame de détenir la pleine propriété de son logement sa vie durant, lui permettant d’en disposer comme elle le souhaite, le louer le cas échéant, le fils de Monsieur deviendrait plein propriétaire au décès de Mme.
On peut prévoir un leg graduel avec une clause d’inaliénabilité afin que le bien soit entretenu de manière convenable, pour éviter sa dégradation.
Au décès de Mme, le bien serait réputé transmis directement au fils de Mr, Ce dernier devra payer les droits de succession en tenant compte du lien de parenté avec son père, et pourrait bénéficier une seconde fois de l’abattement en ligne directe
Afin de répondre à l’objectif 2 de Monsieur :
La protection du patrimoine du fils mineur sera analysée en vue de la préservation du patrimoine à transmettre d’une part, et sans intervention de sa mère, ex épouse de Monsieur décédé.
Le legs avec charge
Mr pourrait assortir le legs d’une clause d’inaliénabilité sur certains biens choisis par ses soins
Le fils ne pourrait ni vendre, ni donner les biens transmis. Cela ne pourrait être rendu possible que sur la part qui constitue la quotité disponible. La réserve du fils devra rester sans charge.
La charge pourrait être envisagée jusqu’au 25ème anniversaire du fils.
Elle doit être limitée dans le temps.
La clause bénéficiaire d’assurance vie avec charge
Mr aurait la faculté de désigner son fils bénéficiaire du ou des contrats d’assurance vie sous réserve d’un certain nombre de règles à respecter afin de préserver les capitaux décès d’une consommation rapide et excessive.
Par exemple, jusqu’au 25ème anniversaire, il pourrait imposer une obligation d’emploi des capitaux décès dans un contrat de capitalisation par exemple.
Le mandat à effet posthume
Ce mandat, pris en la forme authentique, permettrait à Mr de désigner à l’avance un mandataire, personne de confiance, qui aurait le rôle de tiers administrateur chargé de gérer tout ou partie de sa propre succession pour le compte et dans l’intérêt de son fils pour une durée de 5 ans à compter du décès de son père, en excluant l’intervention de son ex épouse.