09.11.2023

Reconquête industrielle de la France : le projet de loi relatif à l’Industrie verte a été adopté

Par Mariame DECHELLE, Notaire associée

Après le vote à l’Assemblée Nationale le 10 octobre dernier, puis au Sénat le 11 octobre, le projet de loi « Industrie verte » est définitivement adopté. Cette loi a pour ambition de réindustrialiser la France en promouvant le développement de nouvelles filières industrielles innovantes (énergies renouvelables, batteries et véhicules électriques, hydrogène…) et le verdissement des industries existantes.

Cette marche vers la réindustrialisation de la France s‘articule autour de quatre axes principaux : faciliter, financer, favoriser, former.

Afin d’atteindre ces objectifs, le texte de loi comprend, s’agissant des mesures en matière d’urbanisme et d’environnement, tout un volet relatif d’une part, (I) à la mobilisation d’un foncier industriel et, d’autre part, (II) à l’allègement des mesures administratives pour accélérer l’implantation d’industries.

1. Faciliter et accélérer la mobilisation du foncier industriel

Il va de soi, que mener une réindustrialisation de la France ne peut se faire sans mobiliser le foncier nécessaire à l’installation d’activités économiques.

A cet effet, la loi joue sur deux leviers principaux pour faciliter la mobilisation du foncier industriel, savoir :

    • La planification par l’action publique régionale. Les régions auront pour mission de définir, aux termes des schémas régionaux d’aménagement et de développement durable du territoire (Sraddet), des objectifs en matière de localisation du foncier nécessaire à l’implantation de ces activités industrielles. Il s’agit ici d’une transposition du même type de dispositif de planification territoriale des énergies renouvelables que celui prévu par la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. A côté de cette planification régionale, l’Etat devra également élaborer une stratégie nationale qui devra, pour la période 2023-2030, déterminer les filières stratégiques devant être implantées ou développées prioritairement.
    • La réhabilitation des friches industrielles. Cette réhabilitation intervient par l’amélioration de la procédure de remise en état des sites industriels et l’élargissement de la procédure du tiers demandeur. A cet effet, l’article 5 de la loi permet et ce, de manière facultative, que des bureaux d’études interviennent pour attester de la mise en sécurité et de la réhabilitation des sites ICPE (installation classée pour la protection de l’environnement), pour les cessations d’activités notifiées avant le 1er juin 2022 et jusqu’au 1er janvier 2026. En ce qui concerne la procédure dite du « tiers demandeur » qui permet, à un tiers intéressé de demander au préfet de se substituer au dernier exploitant d’une ICPE, pour réaliser les travaux de réhabilitation, cette procédure pourra intervenir dès la mise à l’arrêt d’une partie de l’activité et ce, sans attendre la cessation d’activité de l’ensemble du site. Autrement dit, dorénavant un tiers intéressé pourra demander au préfet, par anticipation et avec l’accord de l’exploitant, l’autorisation de se substituer à lui en cas de future cessation d’activité.

Dans le prolongement de ces deux leviers principaux permettant d’accélérer et de faciliter la mobilisation du foncier industriel, il est à noter que la loi prévoit également en ce qui concerne les mesures de compensation écologique, que les porteurs de projets industriels, pourront réaliser des opérations de compensation par anticipation, y compris pour des projets isolés comme des sites « clés-en-main ». A cet effet, il sera mis en place des sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation, en lieu et place des actuels sites naturels de compensation. En d’autres termes, la loi prévoit de faciliter la mise en œuvre de l’obligation de compensation écologique par le biais d’un accroissement des mesures d’offres d’écosystèmes restaurés pour répondre à l’obligation résultant de la fameuse séquence « Éviter/Réduire/Compenser » dite « ERC » de l’article L 110-1, II-2° du code de l’environnement. Ce dispositif devrait permettre aux porteurs de projets de bénéficier, en quelque sorte, d’un « droit à porter atteinte à la biodiversité » moyennant finances.

Ces mesures qui permettront de faciliter et accélérer la mobilisation du foncier industriel, ne pourront pleinement atteindre leurs objectifs sans l’allègement et l’accélération des procédures administratives.

2. Accélérer les procédures pour permettre l’implantation d’industries vertes

Outre l’accélération de la libération du foncier, l’autre enjeu du développement de l’industrie verte réside dans l’accélération des procédures administratives nécessaires à l’implantation des projets industriels.

L’objectif du gouvernement est clairement affiché : « diviser par deux les délais réels d’implantation d’usines en les faisant passer de dix-sept à moins de neuf mois ».

Afin d’atteindre cet objectif, l’article 2 de la loi fusionne la phase d’examen incluant les avis des autorités consultées et la phase de consultation du public. A cet effet, un nouvel article L 181-10-1 du Code de l’environnement est créé, afin d’organiser la consultation du public dès la recevabilité du dossier de demande d’autorisation environnementale. Désormais, l’instruction du dossier se déroulera en deux phases au lieu de trois : une phase d’examen et de consultation suivie d’une phase de décision. Les effets de ces mesures d’accélération de la procédure administrative restent, toutefois à relativiser. En effet, la proposition initiale visant à réduire le délai de recours en matière d’autorisation environnementale à 2 mois au lieu de 4, et d’accélérer l’instruction de ces affaires devant les juridictions, n’a pas été reprise dans le projet de loi.

S’agissant des projets homogènes d’aménagement envisagés sur le territoire d’une même commune, la loi prévoit la possibilité de mutualiser la procédure de la concertation. Ainsi, dans les zones de fort développement industriel et économique, la personne publique pourra demander une concertation globale sur une zone géographique déterminée afin de présenter au public les projets envisagés sur les prochaines années. A cet effet, l’article 3 permet d’organiser en une seule fois la concertation publique. Ces projets pourront ensuite être mis en œuvre sans consultation du public, dans un délai de 10 ans. Il en va de même pour les projets débattus publiquement à l’occasion de l’élaboration d’un plan ou programme qui seront dispensés de consultation publique s’ils sont mis en oeuvre au plus tard 10 ans après.

L’article 9 de la loi crée la notion de « projets industriels d’intérêt national ». Ces projets, qui seront définis par décret, auront, selon le Conseil d’Etat, pour objet de réduire la dépendance de la France dans des secteurs stratégiques ou contribuer à la transition écologique. Ces projets bénéficieront d’une procédure exceptionnelle simplifiée. Ainsi, le porteur d’un projet qualifié d’intérêt national pourra bénéficier de procédure simplifiée en ce qui concerne la mise en compatibilité des documents d’urbanisme et la délivrance des autorisations d’urbanisme dont l’instruction sera confiée aux services de l’Etat. Par ailleurs, il pourra également être attribué à ces projets la qualité de « raison impérative d’intérêt public majeur » afin de bénéficier de la dérogation à l’interdiction de destruction des espèces protégées. Pour ces projets, l’autorisation environnementale, qui sera délivrée par l’Etat, après procédure de participation du public, tiendra lieu de permis de construire, emportera mise en compatibilité des documents d’urbanisme et sera exemptée des mesures d’archéologie préventive. Ces nouvelles dispositions devront concerner les projets de très grandes usines (gigafactories) qui seront définis par décret.

Conclusion

La loi « Industrie verte » a pour ambition de faire de la France « le leader de l’industrie verte en Europe ». Si cela peut sembler paradoxal d’accoler les termes « industrie » et « vert », il convient de lever l’ambiguïté sur cette dichotomie. Il s’agit en réalité d’une loi qui a pour objet de favoriser l’installation de nouvelles industries et en même temps les industries concernées devront être de transition en minimisant les impacts en matière d’émissions de gaz à effet de serre. Avec ce texte, le gouvernement veut répondre à un double défi « réindustrialiser notre pays et positionner nos entreprises pour relever le défi de la transition écologique »

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