Par Benoit VIEUX, Notaire associé
Il s’agit ici de rappeler ou préciser après quel délai des travaux réalisés par un copropriétaire ne peuvent plus faire l’objet d’une quelconque action par la copropriété.
Rappel des dernières modifications en la matière :
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- Loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite « loi ELAN », qui a habilité le gouvernement à réformer par voie d’ordonnance le droit de la copropriété, laquelle est entrée en vigueur le 25 novembre 2018.
- L’ordonnance n°2019-1101 du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis dont les dispositions sont entrées en vigueur le 1er juin 2020 sauf quelques dispositions qui sont entrée en vigueur le 31 décembre 2020 et celles relatives aux syndics qui ne s’appliqueront qu’aux contrats de syndics conclus postérieurement à l’ordonnance.Modification apportée par la loi ELAN
C’est l’article 213 de la loi ELAN qui, modifiant l’article 42 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété, a réduit le délai de prescription des actions personnelles nées de l’application de ladite loi, soit 10 ans, au délai commun de 5 ans de l’article 2224 du code civil : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »
Rappel des principes de l’application de la loi dans le temps
La loi s’applique immédiatement, mais elle n’a pas d’effet rétroactif. Cette règle est posée par l’article 2 du Code civil : « La loi ne dispose que pour l’avenir, elle n’a point d’effet rétroactif ».
Une des difficultés à résoudre est celle où la loi réduit un délai de prescription, ce qui est le cas de la loi ELAN.
Sur ce point, la réponse est expressément donnée par les dispositions transitoires prévues à l’article 26 de loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile qui figurent dans l’article 2222 du Code civil :
« En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ».
Impact de l’arrêt du 12 avril 2018
S’il a longtemps paru acquis que le point de départ du délai antérieur de dix ans devait être fixé au jour de l’infraction au règlement ou à la loi du 10 juillet 1965 – peu important donc la connaissance du titulaire de l’action –, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt n°17-12.574 rendu le 12 avril 2018, s’est infléchie de telle sorte que ce point de départ devait être fixé, comme en droit commun, au jour où « le syndicat avait eu connaissance » de l’infraction.
Au regard de cet arrêt, que le fait générateur de l’action personnelle ait eu lieu avant ou après la loi « ELAN », la date à prendre en considération pour fixer le point de départ de l’action personnelle devrait être, au moins par précaution, celle à laquelle le syndicat a eu ou aurait dû avoir connaissance de l’infraction.
Or, il est très fréquent en cette matière qu’il n’y ait aucun élément permettant de déterminer si, et à quelle date, le syndicat aurait pu avoir connaissance des faits concernés (tels un passage de procès-verbal d’assemblée générale abordant la question, un mail adressé ou reçu du syndic ou du conseil syndical visant ces travaux, etc.).
Tableau récapitulatif des différents délais de prescription en fonction de la date de réalisation des travaux ou de révélation de l’existence desdits travaux
Plusieurs cas de figures peuvent se présenter. Il convient de les analyser au regard de la date d’entrée en vigueur de la loi ELAN et des règles relatives à l’application de la loi dans le temps :