Par Charles-Edouard BOURGET, Notaire associé
Le Conseil d’Etat, par une décision du 09 décembre 2022 (req n°454521) a tiré toutes les conséquences de la modification de l’article R 423-31 du Code de l’Urbanisme en indiquant que le délai d’instruction d’une demande d’autorisation d’urbanisme n’est ni interrompu ni modifié par une demande illégale de pièces complémentaires.
L’état antérieur
Pour comprendre la portée de cet arrêt, rappelons que les demandes d’autorisations d’urbanisme doivent être accompagnées de pièces permettant aux services instructeurs de se faire un avis sur la réalité du projet soumis à autorisation, et sa conformité avec les règles d’urbanisme applicables.
Le Code de l’urbanisme liste ces pièces aux articles R 431-4 et suivants, en faisant une distinction entre les pièces obligatoires, et celles imposées par la nature ou la situation du projet, ou encore celles rendues nécessaires en raison des spécificités du projet.
Par exemple, si le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier de demande devra comporter une pièce exprimant l’accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public.
De même, si les travaux projetés portent sur une installation classée soumise à déclaration, la demande de permis de construire doit être accompagnée de la justification du dépôt de la déclaration.
On sait également qu’en vertu de l’article R 423-19 dudit Code, le délai d’instruction court à compter de la réception d’un dossier complet.
L’article R 423-22 précisant que le dossier est considéré comme complet si l’autorité n’a pas notifié de demande de pièces complémentaires dans le mois du dépôt du dossier.
En pratique
Parfois, pour ne pas dire souvent, l’autorité compétente sollicite des pétitionnaires des pièces complémentaires ne figurant pas dans la liste du Code.
La jurisprudence administrative considérait que ces demandes étaient illégales.
Pour autant, cette illégalité n’avait pas de conséquence en termes de délivrance tacite de l’autorisation sollicitée.
Ainsi, le Conseil d’Etat avait jugé (CE 09 décembre 2015 n°3900273) que si l’illégalité d’une demande de pièce complémentaire entachait d’illégalité la décision tacite d’opposition, elle ne pouvait avoir pour effet de rendre le pétitionnaire titulaire d’une décision implicite de non-opposition.
Modification textuelle et jurisprudentielle
Le Décret n°2019-481 du 21 mai 2019 est venu modifier la rédaction de l’article R 423-41 du Code de l’urbanisme.
Désormais, cet article dispose qu’ « une demande de production de pièce manquante notifiée après la fin du délai d’un mois […] ou ne portant pas sur l’une des pièces énumérées par le présent code, n’a pas pour effet de modifier les délais d’instruction […] ».
Et l’arrêt du Conseil d’Etat en date du 09 décembre dernier en tire toutes les conséquences, en indiquant d’une part que « le délai d’instruction n’est ni interrompu, ni modifié par une demande illégale » et d’autre part que dans ce cas « une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite nait à l’expiration du délai d’instruction, sans qu’une telle demande puisse y faire obstacle. »
Concrètement donc, les autorités compétentes pour l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme devront faire preuve de prudence pour toute demande complémentaire, et surveiller la computation des délais.
En effet, sauf s’il s’agit de pièces rendues nécessaires par le projet (et qui seraient effectivement manquantes dans le dossier), la demande de pièces complémentaires illégale pourra faire naître une décision d’urbanisme tacite.
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