Par Mariame DECHELLE, Notaire associée
Le Conseil d’État (CE, 3e et 8e ch., 25 juin 2020, n° 416727, Sté Icade Promotion Logement : Dr. fisc. 2021, n° 30-35, comm. 325), a posé deux séries de questions préjudicielles à la Cour de Justice de l’Union Européenne (ci-après CJUE), qui réaffirme aux termes d’une ordonnance en date du 10 février 2022, les principes dégagés lors de la jurisprudence Icade Promotion.
Parmi les questions posées, il a notamment été demandé à la CJUE de préciser si le régime dérogatoire de la TVA sur marge était exclu en cas de vente de terrains à bâtir, lorsque :
- Les terrains cédés ont acquis la qualification de terrains à bâtir entre leur acquisition et leur revente, ou lorsque
- Les terrains cédés ont fait l’objet entre leur acquisition et leur revente de modifications de leurs caractéristiques physiques telles que leur division en lots ou la réalisation de travaux permettant leur desserte par divers réseaux (voirie, eau potable…)
A cette question, la CJUE réaffirme les principes suivants :
- Le régime dérogatoire de la TVA sur marge n’est pas applicable lorsque les terrains acquis bâtis, sont devenus des terrains à bâtir entre l’acquisition et la revente. Ainsi, l’application de la taxation sur la marge suppose, une identité juridique entre le bien acquis et le bien revendu,
- La notion d’identité juridique ainsi dégagée, n’exclut pas l’application de la taxation sur la marge à des opérations de livraisons de terrains à bâtir, lorsque ces terrains ont fait l’objet, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente, de modifications telles qu’une division en lots ou la réalisation de travaux de viabilisation.
Cette lecture des dispositions de l’article 392 de la directive TVA par la CJUE laisse peu d’espoir de pouvoir appliquer la TVA sur la marge à de très nombreuses situations face auxquelles certains opérateurs sont confrontés.
En ce qui concerne la question préjudicielle relative au fait de savoir si la taxation sur la marge est réservée uniquement au revendeur dont l’acquisition initiale n’avait pas ouvert droit à déduction de TVA, il semblerait que la CJUE estime que la TVA sur marge ne s’applique pas lorsque l’acquisition par l’assujetti-revendeur (i) a été réalisée sans TVA et (ii) que le vendeur initial avait pu déduire ou n’avait pas supporté de TVA.
A contrario, la CJUE conditionne l’application de la TVA sur marge aux acquisitions :
- Avec TVA qui n’a pas pu faire l’objet d’une déduction par l’assujetti-revendeur ; et
- Sans TVA et dont le vendeur initial n’avait pas lui-même pu déduire la TVA supportée.
Cette interprétation de la CJUE s’avère plus restrictive que la doctrine fiscale actuellement en vigueur dont il conviendra de surveiller les éventuels commentaires.